lundi 26 octobre 2009

Falbala, Uderzo et la psychologie par le dessin

Parlons un peu d'Astérix, en ce cinquantième anniversaire de sa création...

La page ci-contre [© Uderzo, Goscinny et les éditions Hachette] (ainsi notamment que la demie-page qui la précède, que je vous conseille d'aller revoir), extraite d'un des meilleurs albums de la série, Astérix légionnaire, m'a toujours fasciné. En quelques cases, Uderzo résout un problème vieux comme la bande dessinée : comment caricaturer une jolie fille ? Comment faire intervenir un personnage au physique de jeune première dans une série humoristique autrement que comme faire-valoir esthétique ?


Dès le début du 19e siècle, Töpffer, un des premiers auteurs et théoriciens de la bande dessinée, note dans son Essai de physiognomonie, qu' « il devient plus difficile d'imprimer l'expression par le trait graphique à des visages ou purs de trait, ou seulement jeunes (…) parce que ces plissures, en même temps qu'elles expriment, elles altèrent et vieillissent. » En d'autres termes : la bande dessinée humoristique cherche à camper des personnages stylisés, facilement identifiables, de façon caricaturale (cela a notamment donné au style dit 'gros nez' cher à de nombreux auteurs francophones), ce qui permet de mettre en valeur les expressions des personnages, mais au prix de déformations de ceux-ci, principalement au niveau des visages. On se trouve alors devant le dilemme suivant : ou un visage est pur et beau, mais il est peu expressif, peu propice au comique ; ou il est caricatural, humoristique, mais au prix de déformations qui le rendent moins pur, moins beau.
Uderzo surmonte cette difficulté avec une superbe élégance. Au repos, Falbala incarne l'archétype de la « jolie fille » de bande dessinée. La caricature ne se situe nullement au niveau de la déformation des traits, contrairement à ce qui est le cas pour la plupart des personnages masculins qui l'entourent, mais au niveau des gestes, des mimiques, du 'jeu de scène' de Falbala. Observez ses mains, le dessin de sa bouche, la façon dont elle se recroqueville dans le deuxième strip de la planche 8, celle dont elle se relève au troisième : Uderzo parvient à outrer les mouvements de son héroïne, à la caricaturer (avec beaucoup de tendresse, certes), sans jamais déformer ses traits, sans jamais l'enlaidir.
Ceci explique, à mon avis, au moins partiellement, la très grande popularité de Falbala parmi les lecteurs d'Astérix : en la caricaturant ainsi, Uderzo rend Falbala, sans rien lui retirer de son charme, beaucoup plus vivante, et de ce fait plus attachante, que la plupart de ses consoeurs de papier...

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