jeudi 19 novembre 2009

Edmond Baudoin, portrait de l'artiste en auteur de bande dessinée


« On ne me demande plus

« si j'aime toujours dessiner »
ou
« quels sont mes projets »,
ou même seulement
« comment je vais ».
Mais,
« combien je vends d'albums ? »
Je vis sûrement une époque fantastique,
mais j'ai dû rater une marche quelque part. »


« Dessiner la vie...
Le rêve impossible...
On ne peut que l'aimer... »

J'aime beaucoup ces deux citations d'Edmond Baudoin. La première de façon anecdotique, pour la façon dont cet immense auteur de bande dessinée, qui a toujours privilégié les chemins de traverse, décrit son isolement au sein du monde moderne. La seconde, plus sérieusement, parce qu'elle se situe au coeur du projet artistique de Baudoin : Dessiner la vie est en effet le rêve impossible qu'Edmond Baudoin poursuit néanmoins tout au long de ses albums.

Au milieu des années 1970, à 30 ans passés, Edmond Baudoin quitte son métier de comptable. Puisqu'il sait un peu dessiner, un peu écrire, il se lance dans la bande dessinée. Il connaît peu ce moyen d'expression et s'y lance plus ou moins en autodidacte. Cette méconnaissance du médium et son désir de dessiner la vie, dans ce qu'elle a à la fois de plus beau et de plus insaisissable le forcent à inventer de nouvelles façons d'exprimer ce qu'il souhaite. En quelques années, et tout particulièrement avec Un Rubis sur les lèvres (1986), Le Premier voyage (1987), Le Portrait (1990) et Couma Aco (1991), Baudoin explore des chemins de traverse alors inconnus et révolutionne la bande dessinée. Après une dizaine d'années de défrichement en solitaire chez Futuropolis dans les années 1980, il apparaît lors des deux décennies suivantes comme une des références majeures de nombreux auteurs voulant élargir le champ exploré par la bande dessinée, notamment en abordant le quotidien et l'autobiographie. Certains des auteurs phares de l'Association, maison d'édition qui accueille les albums de Baudoin après la disparition de Futuropolis, ou d'Ego comme X, entre autres, le reconnaissent comme une influence de premier plan.


Son rêve de dessiner la vie lui fait rechercher un trait vif et spontané plutôt que propre et appliqué. Il préfère se lancer dans un dessin sans approfondir le crayonné, quitte, si le résultat ne lui plaît pas, à le rejeter et à recommencer. Il y a du peintre chinois chez Baudoin, du calligraphe, dans son désir de mettre le plus d'expression, le plus de beauté et de vie dans le trait le plus simple.


On pourrait reprocher à son discours de n'être pas toujours original, parfois répétitif. Mais ce qu'il a d'unique est sa capacité à exprimer véritablement ce discours par ses récits dessinés. Ses dessins n'illustrent pas son discours mais font véritablement corps avec lui. Lorsqu'il évoque la question du Portrait dans l'album éponyme, ce n'est pas par des discours théoriques mais par l'exemple : cet album, peut-être son chef-d'oeuvre, ne fait qu'un avec le récit qu'il relate, celui du portrait de Carol que tente de peindre Michel.
De même, Vero illustre en image les interrogations de Baudoin sur la banlieue : que sont la liberté et la beauté sur des jeunes survivant dans les barres d'immeubles de glauques banlieues ?

Baudoin est un artiste en quête de l'autre, enfant de l'arrière-pays niçois à la rencontre des jeunes de banlieue parisienne (Véro, Les Yeux dans le mur), Français partant à la rencontre des Canadiens (Le Chemin de St-Jean, Le Chant des baleines, Les Essuie-glaces), des Égyptiens (L'Association en Égypte), des Chiliens (Araucaria) ou des Mexicains (Amatlan). Plusieurs de ses albums sont de véritables dialogues en bande dessinée. Dans Le Portrait, Les Yeux dans le mur, L'Arleri ou Amatlan, le co-auteur, souvent une femme, écrit certains des textes, pousse Baudoin dans ses retranchements. L'auteur n'est plus seul face à son oeuvre mais doit répondre à l'autre qui l'interroge.

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