mercredi 4 novembre 2009

Renaud Camus, le secret le mieux gardé de la littérature française contemporaine


On vous dira probablement que Renaud Camus est raciste, antisémite, réactionnaire, que sais-je encore... Réactionnaire peut-être... Je dirais plutôt nostalgique ; il ne se cache pas de penser qu'il ne goûte que très modérément bon nombre des évolutions de nos sociétés contemporaines. Pour le reste, il s'agit d'absurdités proférées par quelques intellectuels bien-pensants qui n'ont lu de Renaud Camus que des extraits, souvent tronqués et déformés...

Mais là n'est pas le plus important. Ce que l'on ne vous dira sans doute pas (Renaud Camus est à mon avis le secret le mieux caché de la littérature française contemporaine), c'est que Renaud Camus est un des plus grands (je dirais bien le plus grand mais on dira que je m'emporte...) auteurs français depuis les années 1960. Et on a grand tort de ne pas vous le dire... Renaud Camus est en effet un écrivain d'une richesse et d'une profondeur qui a extrêmement peu d'équivalent dans la littérature actuelle.

Qu'est-ce que j'apprécie particulièrement chez Renaud Camus, au point d'en avoir fait un de mes auteurs favoris ? Soyons brefs aujourd'hui et parlons ici de trois points que je trouve particulièrement remarquables dans son œuvre.
  1. C'est un styliste exceptionnel. Héritier des plus grands prosateurs français, il a un style classique d'une très grande beauté (mais pas uniquement... il excelle également à rendre les bizarreries du français télévisuel contemporain ou à se perdre dans les méandres de phrases sans fin, errant au gré d'infinies digressions).
  2. C'est un grand innovateur (eh oui, écrire des romans formellement innovants, c'est possible, même aujourd'hui). Au début de son œuvre, on aurait pu résumer (même si résumer, c'est trahir...) son dessein à la question suivante : « Comment écrire un roman après le Nouveau Roman » ? Ce mouvement littéraire, on s'en souvient peut-être avait profondément remis en question le récit, les personnages, la psychologie traditionnels.
    Une réponse radicale à cette question se trouve dans les Églogues de Renaud Camus. Il s'agit d'une série de 7 romans (5 sont déjà parus), publiés depuis le milieu des années 1970 qui renouvelle étonnamment et radicalement le genre romanesque. J'y reviendrai dans un prochain message...
  3. C'est un penseur passionnant. Qu'il parle d'art contemporain, des travers de nos sociétés modernes (avec la réserve, déjà évoquée plus haut que l'on pourra certes le trouver réactionnaire ; il avoue d'ailleurs lui-même, de façon plus ou moins détournée, qu'il a tendance à préférer se battre pour des causes déjà complètement perdues) ou des rapports entre vérité et langage, ses idées sont pasionnantes et il les expose avec beaucoup d'art.
    En ce qui concerne nos sociétés modernes, il part en guerre contre ce qu'il appelle « la dictature de la petite bourgeoisie ».
    Lorsqu'il aborde la pensée, il s'attarde à montrer à quel point la vérité est complexe, comment elle peut se cacher dans les replis du discours ; dans « Buena Vista Park », notamment, il développe le concept de bathmologie (la science des niveaux de langage) esquissé par Roland Barthes.

Est-ce un auteur difficile d'accès ? Par certains aspects, oui :
  • Son caractère innovant, notamment dans ses œuvres les plus complexes, comme les Églogues, peut rebuter. Il faut accepter de n'entrer dans son œuvre que progressivement, sans se laisser décourager.
  • Son œuvre est très importante, et comporte un certain nombre de livre mineurs, souvent fruits de commandes.
    (J'ai par exemple tendance à considérer que la plupart de ses essais sont de qualité secondaire par rapport au reste de son œuvre, à part l'immense « Du Sens ». L'essai, avec son mode de pensée discursif, et son enchaînement logique d'idées, correspond mal au cheminement intellectuel privilégié par Renaud Camus, très disgressif et difficile à canaliser sans l'appauvrir. Il exprime généralement ses idées beaucoup mieux dans ses autres livres, notamment dans son Journal, que dans ses essais).
  • Enfin c'est un adepte forcené de l'auto-référence. (« Si on veut se mettre à lire Renaud Camus, par où commencer ? — Pour commencer à lire Renaud Camus, il est indispensable d’avoir déjà lu un livre de Renaud Camus. » peut-on lire en quatrième de couverture de « l'Amour l'automne »). Si la première approche est difficile, les lectures suivantes s'enrichissent et sont de plus en plus gratifiantes.
Deux sites très riches :

3 commentaires:

  1. Concernant ce que vous appelez « les points remarquables dans l'oeuvre de Renaud Camus », n'oublions pas l'humour, tout de même, qui n'est pas la moindre des qualités rinaldo-camusiennes, et ce parti-pris que je trouve admirable de se mettre à nu constamment, cette mise à nu réussissant le prodige de dépasser sans jamais effleurer l'exhibitionnisme, cette mise à nu étant le préalable pour son auteur à toute réflexion, garante de l'honnêteté de sa parole, si je puis dire.

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  2. Bonjour
    J'arrive chez vous en passant par chez Didier Goux.
    coïncidences : ce matin j'ai conseillé aussi la lecture de "Vaisseaux brûlés", et, alors que je n'aime pas beaucoup de BD, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le journal de Fabrice Neaud.

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  3. Thomas de Mouscron5 novembre 2009 à 15:54

    Je pense qu'il n'y a pas moins haineux, vindicatif et rancunnier que Renaud Camus. Pas moins anti sémite non plus. Je le classerais plutôt dans la catégorie des philosémites. Sa passion de la conservation doit trouver dans la perpétuation des traditions judaïques à travers les siècles, une source d'espoir et de bonheur. Ce puriste langagier et sociétal hait par dessus tout la confusion ou ce qu'il ressent comme tel. Son principal défaut est de limiter sa vision du monde et de l'univers aux us et coutumes d'une certaine partie de la bourgeoisie française louis-philipparde ou second-empire dont il a vu et observé briller les dernières flamèches dans sa propre famille. C'est dans tous les sens du terme (du meilleur au plus mauvais) un conservateur, donc aussi ultra libéral dans son mode de vie (hélas pour lui souvent mal suppléé par son niveau de ressources). Si tous les racistes et tous les antisémites du monde étaient à l'aune de Renaud Camus, la paix ethnique serait assurée sur la terre. Quant à "l'affaire Camus", elle a rassemblé dans les rangs des pourfendeurs du châtelain de Plieux, tout ce que le monde pseudo intellectuel et médiatique français peut encore fourbir d'homophobes, de médiocres, d'inquisiteurs, de crypto sartriens et de mal baisé(e)s (voire pas ou plus baisés du tout). Je reconnais que Camus a parfois (souvent) des phrases malheureuses. Il a du mal à reconnaître comme pleinement français un noir ou un maghrébin simplement parce qu'ils ont une carte d'identité; l'âge venant, il complexifie encore son discours et on voit commencer à apparaître des notions de complots, d'invasion, de subversion sociale comme s'il reconnaissait dans notre société un projet concerté de détruire "la" culture, "la" identité (!), la "nature" française par une injection massive et forcée d'éléments exo et hétérogènes. Camus hait le métissage mais adore la diffèrence même lorsqu'elle est injuste. Son journal reste toujours passionnant, ses essais souvent "interpelants" et ses romans d'après "Roman-Roi", illisibles par d'autres que lui et un cercle très restreint d'affidés (ce qu'il reconnaît lui-même). Après ... ? Baste !

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