jeudi 25 mars 2010

Trois sorties prévues en 2010

Quelques bonnes nouvelles récentes en ce qui concerne des sorties de bande dessinée en 2010.

Je vous en parlais il y a quelques jours, Ego comme X vient de le confirmer : le prochain album de Lucas Méthé, "L'Apprenti", sortira le 26 mai 2010. À en croire les premières pages disponibles sur le site de l'éditeur, ce jeune auteur nous réserve bien des surprises. En effet, si les thèmes abordés semblent proches de ceux de "Ca va aller", la forme n'a rien à voir ; au lieu d'avoir sur chaque page des cases nombreuses et sans texte narratif, les pages de ce nouvel album comportent peu de cases (1 à 3 le plus souvent) et aucune bulle, seulement des cartouches de voix off...

La deuxième bonne nouvelle, qui se faisait attendre, est l'annonce par le site amazon.com que la publication du prochain album du génial Chris Ware, le 20e volume de son "Acme Novelty Library", est prévue pour le 12 octobre 2010. Le tome précédent date déjà d'octobre 2008 et était exceptionnel...

On peut noter également la sortie du troisième volume de "Love and Rockets: New Stories" des frères Hernandez prévue en septembre. La couverture est très belle et le résumé laisse présager un récit très attendu du côté de Jaime et encore un exploit formel du côté de Gilbert.

jeudi 18 mars 2010

Lynchage chez Walt Disney ?

Je lis peut-être trop René Girard en ce moment. En tout cas, je ne peux m'empêcher de voir des scènes de lynchage, de bouc émissaire dans des circonstances étonnantes...

J'ai récemment revu le Blanche-Neige de Walt Disney avec mes enfants. Et une des dernières scènes m'a particulièrement frappé : la mort de la sorcière est clairement un lynchage, un épisode de "chasse aux sorcières" ou de meurtre sacrificiel d'un bouc émissaire. Que se passe-t-il en effet dans cet épisode ? La sorcière sort de la demeure des 7 nains, dans laquelle git Blanche-Neige inanimée. Soudain surgissent les nains hurlant et courant, accompagnés de nombreux animaux. Elle s'enfuit, est finalement acculée au bord d'une falaise ; les nains et les animaux continuent à se précipiter vers elle, la sorcière saute alors dans le vide et s'écrase au fond.

Elle vient de tuer Blanche-Neige me direz-vous ? D'une part seuls les spectateurs le savent à ce moment. Les nains ont été prévenus par les animaux (quelle source d'information claire et fiable !) que Blanche-Neige était en danger. Lorsqu'ils voient la sorcière sortir de chez eux, ils n'ont aucun raison objective, rationnelle de croire qu'elle a fait quelque chose de mal ; certes, elle a une sale tête et elle s'enfuit (mais en voyant 7 diables hurlant lui fonçant dessus, elle ne peut pas faire grand chose d'autre...). D'autre part, Blanche-Neige n'est pas vraiment morte : elle s'est juste évanouie en avalant un bout de pomme de travers (seuls les spectateurs ont vent du poison...).

La scène de la falaise est typique d'un lynchage réussi : aucun individu en particulier n'est responsable du meurtre, tous sont également la cause de la chute dans le vide ; en outre aucun des nains ne se 'salit' en portant la main sur la sorcière, le meurtre s'effectue à distance...

Bref, une chasse aux sorcières tout ce qu'il y avait de plus classique (tendance médiévale), avec une foule de personnes surexcitées qui lynchent une vieille femme considérée comme coupable surtout parce qu'elle a une tête qui ne leur revient pas... Qui aurait cru trouver cela chez Walt Disney ?

lundi 8 mars 2010

Lucas Méthé, un auteur discret, exigeant et prometteur

Lucas Méthé est un jeune auteur de bande dessinée. Il a publié deux albums chez deux des principaux éditeurs de bande dessinée d'auteurs, Ça va aller, chez Ego comme X en 2005, et Mon mignon, laisse-moi te claquer les fesses à l'Association en 2009 ; un album est prévu en 2010 chez Ego comme X. Il faut ajouter à cette bibliographie des albums en collaboration et des fanzines chez Terre Noire, ainsi que récits dans plusieurs numéros de la revue de Lapin et un texte brillant dans le troisième numéro de la revue Éprouvette.


Je n'ai lu que les deux premiers albums cité ci-dessus. Ils ont un certain nombre de points communs : tout d'abord ils ne paient pas de mine ; sous des dehors très simples, ils sont beaucoup plus profonds qu'une lecture rapide peut le laisser penser.
Le premier relate les amours contrariées d'un jeune Lucas, ancien étudiant aux beaux arts, maintenant sans travail fixe, qui évolue au milieu d'autres jeunes artistes, entre spleen et expositions. Encore un ex étudiant des beaux arts qui raconte nombrilistement son quotidien le plus banal, me direz-vous ? En apparence, oui ; mais cet album explore beaucoup plus en profondeur les hésitations, les relations, les évolutions des différents personnages que ne le font la plupart des albums 'indé' abordant des sujets similaires. Le choix des scènes, les ellipses entre celles-ci, les cadrages étudiés, parfois décentrés par rapport aux personnages, permettent à l'auteur de relater cette (non)histoire toute simple avec une subtilité rare.


Le deuxième album précité est une succession de saynètes (souvent de 3 cases, quelquefois moins, parfois plus) mettant en scène deux enfants de 7 ans, Sébastien (le "mignon" du titre) et Caroline. Cet album ne ressemble à rien de ce que je connais et, de ce fait, est parfois déstabilisant. Ces deux enfants parlent, pas tout à fait comme des enfants, d'amour et d'amitié, d'évolution personnelle et de fidélité à soi-même ; ils se battent, jouent et rêvent, grimpent aux arbres et se perdent au fond d'eux-mêmes. Le tout intrigue, fait réfléchir ou sourire. Une fois l'album refermé, on n'est pas sûr d'avoir compris où l'auteur voulait nous emmener mais on a l'impression d'avoir vécu une expérience inhabituelle...


J'ai qualifié Lucas Méthé d'auteur "exigeant" dans le titre de ce message. Cela se voit dans les deux albums évoqués plus haut ; mais c'est particulièrement apparent dans "noyer la "BD indé molle" qui est en soi", très beau texte publié dans le troisième et dernier numéro de l'Éprouvette, la revue-somme de l'Association. En une vingtaine de pages, Lucas Méthé essaie de "traduire une ligne de conduite artistique personnelle, la pus rigoureuse possible", selon ses propres termes. Dans ce texte passionnant, l'auteur questionne les positions d'auteur, d'éditeur, de dessinateur ; se demandant "quel est l'intérêt de dire dans un livre ce que tout le monde sait déjà ? de faire ce qui, sans nous, existera quand même ?", déplorant "la surproduction nauséeuse du marché du livre", il encourage tout auteur, lui le premier, à remettre sans cesse en question ses acquis, interrogeant le travail des grands prédécesseurs et les objectifs de son propre travail, et, surtout, refusant toute facilité.


Lucas Méthé n'a pas encore publié de chef-d'œuvre impérissable, certes, mais suffisamment de planches prometteuses pour que l'on puisse espérer beaucoup de ses prochaines publications...