mardi 20 avril 2010

Aux lecteurs anglophones

Je me dis souvent, sans chauvinisme aucun, que j'ai de la chance d'être un amateur francophone de bande dessinée. En effet, d'après ce que j'en sais, le Français est probablement une des langues vers laquelle le plus de bandes dessinées étrangères sont traduites. La plupart des œuvres majeures de la bande dessinée anglophone ou hispanophone, par exemple, sont traduites en Français. S'il y a encore quelques années on pouvait regretter que l'Éternaute, d'Oesterheld et Lopez, ou Love & Rockets, des frères Hernandez, soient inaccessibles au public francophone, ce n'est maintenant plus le cas grâce à quelques éditeurs audacieux. Certes on peut encore déplorer l'absence d'édition française disponible de Krazy Kat (mais l'usage si poétique du sabir anglo-hispano-franco-phonético-krazy est-il vraiment traduisible ?) et de Terry & the pirates (à part les volumes parus chez Futuropolis dans les années 1980, pour l'œuvre de Herriman comme celle de Milton Caniff) ou la non disponibilité des meilleurs Spirit de Will Eisner. Mais dans l'ensemble, les lecteurs francophones sont plutôt gâtés. Si l'on ajoute que le catalogue français de mangas s'enrichit chaque jour, que des éditeurs comme l'Association ou Actes Sud vont chercher des œuvres intéressantes en Europe du Nord comme en Afrique du Sud ou en Israël, nous ne pouvons pas nous plaindre...

Ce qui n'est pas forcément le cas des lecteurs non francophones. D'après ce que j'ai pu en voir au cours de quelques voyages, les lecteurs anglophones, hispanophones, italophones ou germanophones n'ont pas la chance d'avoir à leur disposition un tel corpus d'œuvres traduites.

Prenons par exemple le marché anglo-saxon. Il propose certes l'Ascension du Haut Mal (Epileptic) et, depuis peu, une œuvre de Jean-Claude Forest, Ici Même. Mais, dans l'ensemble, la bande dessinée alternative francophone est davantage représentée par son versant le plus consensuel, de Persepolis de Marjane Satrapi, aux Petits Riens de Lewis Trondheim, que par ses œuvres les plus ambitieuses et les plus riches.

Ainsi les albums de Jean-Claude Forest (à part Ici Même, cité plus haut), de Baudoin ou de Fabrice Neaud, entre beaucoup d'autres, restent inaccessibles au public anglophone.

Pour ne citer que le cas de Fabrice Neaud, on peut noter qu'il n'est pourtant pas complètement inconnu de l'autre côté de l'Atlantique : Je me souviens d'échanges sur le forum Internet du Comics Journal au cours desquels il était régulièrement cité ; en 2002, Bart Beaty, un des plus fins connaisseurs américains de la bande dessinée européenne, lui consacrait 4 pages de sa rubrique 'Euro Comics for beginners' dans le Comics Journal ('Fabrice Neaud: Rewriting Our Standards') ; ce même Bart Beaty vient d'écrire un message dithyrambique dans le webzine de référence The Comics Reporter (voir ici) ; dans ce même webzine, un post donne un lien vers les photos de la dernière exposition de Fabrice Neaud disponible sur mon site Internet.

Pourtant, jusqu'au mois dernier, les lecteurs anglophones devaient se contenter du récit de Fabrice Neaud publié dans la version anglaise du collectif Japon et des mes très modestes essais de traduction disponibles en ligne sur la version anglaise du site consacré à Fabrice Neaud.

La récente mise en ligne en intégralité, sur le site d'Ego comme X, d'une version anglaise d'Émile, un des plus récits les plus riches et les plus bouleversants de Fabrice Neaud n'est en que plus remarquable. Il ne reste plus qu'à espérer que cela donne des idées à quelque éditeur anglophone...

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