mardi 15 juin 2010

Loin, de Renaud Camus (2009)

Renaud Camus publie beaucoup. Et, comme la plupart des grands auteurs, on retrouve dans tous ses livres, qu'il s'agisse d'essais, de volumes de son journal, ou, comme c'est le cas ici, de romans, les mêmes thèmes, les mêmes fixations.

On retrouve effectivement dans Loin, le dernier roman de Renaud Camus, son regret d'un monde passé, ses critiques sur le grignotage progressif de espaces de liberté par la société actuelle (aussi bien dans le domaine de l'aménagement du territoire que dans celui des libertés individuelles) , son goût de la dissertation sur les formes disparues de savoir-vivre, son jeu sur les différents niveaux de langage en usage dans nos sociétés, du plus recherché au plus décontracté.

Plus que dans ses essais ou son journal, il peut donner livre court à son talent de la description : les paysages défilent, faisant jouer les reliefs et les couleurs, bien sûr, mais également les transparences de l'air, les ambiances.

Le personnage principal ressemble très fortement à celui de son précédent roman non expérimental, L'Épuisant désir de ces choses (je mets à part L'Amour l'automne, 5ème volume des Églogues, et L'Inauguration de la salle des vents, ouvrages plus novateurs et, à mon humble avis, plus riches que ses romans plus faciles d'accès). Les thèmes, déjà traités dans son journal, sont presque les mêmes que ceux du Chasseur de lumière et de L'Épuisant désir de ces choses.

Ce qui distingue cet ouvrage des opus cités ci-dessus et ce qui m'a frappé davantage est le fil conducteur du livre, parfaitement, et très succinctement, résumé en 4ème de couverture : "Un homme s'éloigne". C'est bien de cela qu'il s'agit, et l'on retrouve ici un thème déjà magnifiquement traité dans Roman Furieux : l'éloignement progressif d'un individu vis-à-vis du monde, envers ses semblables. Certes, Roman était isolé des autres par son destin de roi déchu, alors que Jean ne l'est que par goût et volonté ; l'éloignement de Roman était subi, tragique, concrétisé dans sa séparation d'avec Diane, sa femme, et dans son effondrement dans la folie, alors que celui de Jean est volontaire, décrit avec une certaine distanciation et une bonne dose d'humour. Il n'empêche. Dans ces deux romans, nous assistons à un éloignement progressif : les personnages principaux, Roman et Jean, sont totalement inadaptés au monde dans lequel ils vivent et la distance entre ce monde et eux s'accroît tout au long du roman.

On peut voir dans cet éloignement au monde un idéal de vie ou, au contraire, un tragique échec. Quelle que soit notre vision d'un tel destin, il est difficile de rester indifférent à la peinture puissante qu'en offrent ces deux romans.

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