samedi 7 août 2010

Terry and the pirates, de Milton Caniff (1934-1946)

Comme je l'écrivais il y a peu, pendant quelques années, je souhaitais la traduction en français de trois oeuvres majeures : Krazy Kat, l'Éternaute et Terry and the Pirates. Krazy Kat reste non traduit, après une courte tentative par Futuropolis dans les années 1980 ; l'Éternaute est maintenant traduit chez Vertige Graphic ; et je viens de lire qu'une maison d'édition que je ne connaissais, Bdartiste, a annoncé vouloir publier Terry and the Pirates en français. D'après ce que j'ai compris, elle va partir de l'intégrale en anglais publiée par IDW publishing ; le 6ème et dernier tome en est paru récemment. Il s'agit de 6 imposants volumes d'environ 400 pages chacun, très réussis : le format des cases est convenable, les trips quotidiens sont imprimés dans un noir et blanc net, les superbes couleurs des planches dominicales sont bien reproduites.



Milton Caniff est d'abord un dessinateur de génie, qui a posé certaines des bases du dessin réaliste de bande dessinée pour plusieurs décennies. Son dessin a progressivement gagné en relief et en profondeur. Initialement peuplées de personnages filiformes aux traits précis, ses cases se sont peu à peu obscurcies ; les personnages ont gagné en mouvement et en épaisseur, les paysages à la fois en réalisme et en mystère. Son maniement du noir et blanc allie une technique époustouflante (comment dessiner très lisiblement la charge d'une vingtaine de cavaliers au clair de lune dans une case de 4 cm x 4 cm ?) et une très grande beauté : ses clairs-obscurs sont justement restés célèbres pour leur grâce et leur esthétique.

Résumer Milton Caniff à son art graphique serait toutefois réducteur. C'est aussi un conteur hors pair, un grand maître du roman feuilleton. Les péripéties s'enchaînent sans relâche, de la jungle chinoise des années 1930 à la guerre du Pacifique des années 1940, d'aventuriers sans peur en femmes fatales, de bandits romanesques en criminels machiavéliques. Le lecteur captivé est balloté sans répit tout au long de ces centaines de pages de rebondissements.

Cette série a atteint son apogée pendant quelques années, approximativement entre 1938 et 1942. Les premières années constituent une période d'apprentissage. Pendant les dernières années, le trait se stabilise vers un style qui, toujours d'un très haut nivau, n'évoluera plus guère, ni pendant la fin de Terry, ni pendant les longues années consacrées au successeur de celui-ci, Steve Canyon. De même les situations se renouvellent moins vers la fin.

Certes, 6 tomes de 400 pages, cela pourra en lasser certains. Je dois avouer avoir montré une baisse d'intérêt vers le début du 6ème volume. Il n'empêche, si le roman feuilleton a connu des heures de gloire en bande dessinée, c'est en très grande partie à Milton Caniff que nous le devons...

Je souhaite donc à cet éditeur de parvenir au bout de cette entreprise éditoriale courageuse (les trois tentatives précédentes de publier en français cette série se sont arrêtées en cours de route). Bonne chance à Bdartiste dans cette réédition !

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