mercredi 2 février 2011

Folles Passions, de Kazuo Kamimura (1973-1974)

Hokusai est un artiste exceptionnel, très probablement le peintre d'estampes japonaises le plus connu, au moins en Occident. Il est généralement considéré en outre comme l'inventeur du mot « manga ». Il peut donc sembler naturel qu'il soit devenu lui-même un jour le personnage d'un manga.

Dans Folles Passions (Kyōjin Kankei), Kazuo Kamimura met en scène Hokusai déjà âgé, entouré d'un de ses disciples, Sutehachi, et de sa fille. Comme le feront Jirō Taniguchi et Natsuo Sekikawa plus de 10 ans après lui dans un autre chef-d'œuvre du manga, Au temps du Botchan, Kazuo Kamimura met en scène un grand artiste japonais et dépeint à la fois un certain type de création artistique et le monde qui gravite autour de lui. La vie de Hokusai est abordée par le biais de diverses anecdotes, très prosaïques pour certaines (beuveries, besoins naturel, etc.). Les aléa de la création (des phases d'apathie à celles d'intense créativité) sont racontés avec talent. Certains épisodes relatent la vie de contemporains de Hokusai. Les commentaires historiques sur les mœurs de l'époque complètent la description d'une certaine époque et d'un certain milieu. Hokusai (comme Natsume Sōseki, l'auteur de Botchan dans l'œuvre évoquée plus haut) peut parfois apparaître comme un simple prétexte pour aborder une thématique beaucoup plus large, embrassant l'ambiance d'une époque et les affres de la création.

Ce qui donne le plus prix à cette œuvre, à mon sens, est le superbe traitement graphique effectué par Kazuo Kamimura. De tous les mangakas que je connais, il est l'héritier le plus visible des grandes traditions graphiques orientales, de la calligraphie chinoise à l'estampe japonaise. Avec lui, chaque trait noir posé sur le blanc du papier semble prendre tout son sens. De l'herbe folle à l'oiseau dans le ciel lointain, les lignes les plus simples sont empreintes d'une grande poésie. Les dernières cases du troisième tome, notamment, sont de toute beauté : Sutehachi offre en paiement à son aubergiste un paravent peint de sa main : trois taches noires, des oiseaux, se détachent sur un grand ciel blanc. Une fois Sutehachi parti, les oiseaux s'envolent et quittent le paravent. L'œuvre s'échappe et le mystère de la création, après près de 1 000 pages à lui consacré, reste entier...

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