mercredi 23 mars 2011

Les Faux-Monnayeurs, d'André Gide (1925)

Trois points me semblent particulièrement importants pour bien comprendre la richesse des Faux-Monnayeurs :

  • André Gide est un grand styliste. Chacune de ses phrases est pensée, travaillée, reprise... Il ne s'en estime satisfait qu'une fois qu'il est convaincu ne plus rien pouvoir en modifier sans la dégrader.
  • D'une façon générale et de manière encore plus marquée dans Les Faux-Monnayeurs, André Gide n'écrit que ce qui est strictement indispensable. Dès qu'il a fourni au lecteur les éléments qu'il estime suffisants à la bonne compréhension de son propos, il passe à une autre idée ; nul superflu dans Les Faux-Monnayeurs. (Il est d'ailleurs instructif de comparer sur ce point ce roman à la saga des Thibault, de Roger Martin du Gard, grand ami de Gide. En effet ces deux œuvres ont certains thèmes en commun, notamment la peinture de deux frères, l'un adolescent, l'autre, plus âgé, médecin. Mais alors que, dans Les Faux-Monnayeurs, chaque péripétie est traitée en quelques pages, chaque épisode est narré au cours de longs chapitres dans Les Thibault, roman fleuve.)
  • Alors que dans ses autres récits, André Gide abordait généralement un thème qu'il développait en 100 à 200 pages (par exemple un certain hédonisme dans L'Immoraliste, une certaine vision du christianisme dans La Porte Étroite, etc.), il décide dans Les Faux-Monnayeurs de ne plus se restreindre, de dire tout ce qu'il porte en lui ; il aborde donc pèle-mêle ses interrogations d'écrivain, son goût pour les jeunes garçons, la question de l'éducation, etc. (C'est notamment pour cela qu'il considère ce livre comme son premier roman : pour lui un roman est polyphonique et met en scène des personnages et des points de vue différents ; ses récits antérieurs lui semblaient probablement trop monothématiques pour mériter l'appellation de 'romans').

Ces trois éléments concourent à faire des Faux-Monnayeurs un roman extraordinairement dense et puissant, synthèse à la fois de la pensée de Gide au milieu des années 1920 et de sa richesse d'écriture.

Si je cherchais à résumer mon impression en une phrase (tout en sachant que celle-ci ne traduira pas fidèlement ma pensée et sera probablement mal comprise), je dirais que chaque phrase semble « pleine à craquer », toute remplie de style (pas remplie d'effet de style, non, André Gide est très économe de ses effets, fidèle en cela à une longue tradition de classicisme français) et toute remplie de sens. Gide a condensé dans son roman tant d'éléments divers, tant d'idées, tant de thèmes, tant de personnage, tant de péripéties, tant d'élégance formelle que celui-ci est presque (tout est dans le presque) trop riche. Chaque phrase mérite que l'on s'y arrête, l'ensemble mérite d'être régulièrement relu...

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