dimanche 23 octobre 2011

Le dialogue en bande dessinée

Dans mon message précédent, je ne vous ai parlé que des récits dessinés par Jaime hernandez dans le dernier Love and Rockets: New Stories. Je souhaite vous entretenir également de And Then Reality Kicks In, une des deux histoires dessinées par Gilbert. Mais avant de parler de celle-ci, je vais aborder de façon plus générale le dialogue en bande dessinée.

Les passages dialogués ont souvent posé des difficultés aux auteurs de bande dessinée. D'une façon générale il s'agit de moments du récit pendant lesquels l'essentiel des informations passe par le texte des échanges verbaux. Dans de nombreux cas, le dessin peut apparaître comme superfétatoire. Il ne servirait guère qu'à alléger les pages pour ne pas subir des cases surchargées de phylactères démesurés. Plusieurs approches peuvent être adoptées par les auteurs pour traiter les dialogues :

1) Une approche "ligne claire" : Pour ne pas détourner l'attention du lecteur, les protagonistes du dialogue sont dessinés à l'identique tout au long du passage. Dans de tels cas, Hergé avait cependant tendance à ajouter au dessin un contrepoint humoristique, pour éviter la monotonie (nous en avons un exemple marquant en page 10 de Tintin au Tibet : Tintin et le capitaine discutent pendant 7 cases consécutives avec un fonctionnaire indien ; l'angle de vue est identique dans ces 7 cases mais le fonctionnaire joue avec un élastique qui finit par lui claquer à la figure).

2) À l'inverse, l'auteur peut décider, pour éviter toute lassitude du lecteur, de varier les angles de vue et de ne jamais dessiner deux fois les personnages avec le même cadrage pendant toute la scène de dialogue (c'est par exemple ce que choisissait de faire Maurice Tilleux). Le risque est d'aboutir à une démonstration de virtuosité avec des choix de cadrage exotiques.

Longtemps la plupart des auteurs se cantonnaient à cette alternative. Edmond Baudoin a apporté une solution innovante dans Les Quatre Fleuves : confronté à de longs passages dialogués, hérités du texte de Fred Vargas dont il était parti, il écrivait les textes dialogués sur une pleine page et ne dessinait les visages des personnages que lorsque ceux-ci changeaient d'expression.

De façon moins isolée, l'accent plus prononcé porté sur la psychologie des personnages dans certaines bandes dessinées contemporaines a poussé quelques auteurs à utiliser les dessins des passages dialogués comme des moyens d'apporter des indications sur l'état d'esprit implicite des personnages, en contrepoint de leurs discours explicités dans les phylactères (j'en ai déjà un peu parlé dans mon message "De l'expression corporelle en bande dessinée... "). L'exemple ci-dessous, tiré du 2e volume du Journal de Fabrice Neaud, me semble particulièrement marquant de ce point de vue : On sent tout le malaise personnel que ressent l'employée chargée de transmettre son message officiel, froid et sans âme.

Voilà pour les généralités. Dans mon prochain message, je vous dirai en quoi les planches de Gilbert Hernandez renouvellent la façon d'aborder le dialogue en bande dessinée...

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