jeudi 27 septembre 2012

Rôle et utilisation des décors en bande dessinée : de Hergé à Baudoin, de Moebius à Fabrice Neaud

J'ai abordé il y a déjà deux ans le sujet de l'expression corporelle en bande dessinée. J'exprimai alors mon regret de constater que les dessinateurs de bande dessinée utilisent trop rarement les expressions du corps de leurs personnages pour laisser transparaître les émotions et sentiments de ceux-ci.

Une autre potentialité sous-exploitée de la bande dessinée est l'utilisation des décors. En effet, rien n'oblige un dessinateur à se contenter d'une représentation relativement réaliste des décors, ni même à les dessiner avec un style plus ou moins constant. Bien au contraire, en bande dessinée tout est a priori permis et rien n'empêche d'utiliser le décor comme élément expressif à part entière pour soutenir le récit. Je distinguerai aujourd'hui cinq façons distinctes d'utiliser le décor en bande dessinée. Bien entendu cette classification est arbitraire et ces catégories sont souvent poreuses ; cela me permettra cependant de montrer rapidement quelques pistes trop peu utilisées par la majorité des dessinateurs.

Neutralité des décors
C'est notamment l'approche des tenants de la ligne claire : le paysage est dessiné de la façon la plus neutre possible, avec un style toujours identique. Si une telle approche se justifie pleinement chez Hergé et ses disciples, dans la mesure où elle correspond parfaitement à leur credo artistique, elle peut témoigner chez d'autres auteurs d'un manque d'audace et d'ambition.

Usage purement esthétique des décors.
Certains auteurs utilise les paysages pour leurs aspects esthétiques. Druillet fut un auteur marquant de ce point de vue : ses histoires n'avaient parfois ni queue ni tête, étant avant tout le prétexte à dessiner des paysages interplanétaires délirants.

Usage utilitaire
Dans cette approche, le paysage est considéré avant tout pour ce qu'il apporte au récit. Un exemple emblématique en est Jean Giraud, notamment dans le cycle du trésor sudiste : Lorsqu'il souhaite planter le décor des scènes, représenter l'immensité des paysages au milieu desquels les personnages évoluent, il dessine des décors, souvent grandioses, avec beaucoup de minutie. Lorsque le décor a déjà été planté, qu'il souhaite mettre l'accent sur l'action et les péripéties rapides, il omet parfois complètement de dessiner les décors, se contentant d'un simple fond coloré uni (c'est particulièrement vrai dans certaines pages de L'Homme qui valait 500 000 $, notamment, comme on peut le voir dans la page ci-dessus ; le contraste est frappant entre les cases où l'église est dessinée en détails et celles qui n'ont qu'un fond coloré).

Usage rhétorique imagé.
À plusieurs reprises chez Fabrice Neaud, notamment dans le Journal (3), le décor "réel" disparaît complètement pour laisser la place à un décor imaginaire qui vient illustrer l'état d'esprit du narrateur. Ainsi, dans la superbe scène du café en début d'album, lorsque le narrateur et Dominique ont leur première longue conversation, le décor est remplacé par des images de légèreté et de bonheur. Au contraire, lorsque Dominique repousse le narrateur, le décor est cette fois remplacé par un champ de ruines (image ci-dessus).

Usage rhétorique expressionniste.
Je vais reprendre un exemple que j'ai déjà commenté mais dont je ne me lasse pas tant il me semble réussi. Dans Le Portrait, les deux cases reprises ci-dessus occupent toute la largeur de la page. On y voit un des deux personnages principaux, Michel, qui marche dans la rue. Mais la première fois, il est joyeux, on sent la lumière vibrer dans le dessin de la ville, le pinceau s'est fait léger, les traits sont fins, « les rues ressemblaient à des rues et les pigeons à des pigeons » ; la deuxième fois au contraire, Michel est accablé, on ne voit plus le ciel lumineux mais une rue sombre, une file de voitures et des murs tagués, le pinceau s'est fait beaucoup plus lourd et les traits sont épais, « les rues étaient redevenues des égouts à ciel ouvert et les pigeons des rats volants ». Je ne connais pas d'exemple en bande dessinée où le dessin atteint une telle profondeur psychologique.

De nombreux autres exemples, quelques autres classifications sont possibles. Je souhaitais simplement montrer que l'utilisation expressive des décors fait partie des très nombreuses potentialités narratives de la bande dessinée concourant à en faire un art si riche, mais aux possibilités trop souvent sous-exploitées...

mercredi 26 septembre 2012

Love and Rockets: New Stories, n°5, Jaime et Gilbert Hernandez (2012)

Après les sommets atteints par Jaime Hernandez dans les deux précédents numéros de Love and Rockets: New Stories, il lui était forcément difficile de rester au même niveau. Il a donc choisi de nous offrir des récits très différents des précédents. Loin de l'intensité dramatique des retrouvailles contrariées de Maggie et Ray, loi de l'extraordinaire charge émotionnelle du passé de Maggie et de sa famille, Jaime Hernandez adopte ici un ton beaucoup plus léger, change d'approche et, partiellement, de personnages. Il n'est guère question ici de Maggie et Ray, pas du tout de Hopey : Seules quelques pages racontent les relations entre Ray et son ami Doyle (ce récit est traité, comme la plupart du temps lorsqu'une histoire est centrée sur le personnage de Ray, en caméra subjective et en voix off). Les deux principaux récits de ce cinquième Love and Rockets: New Stories racontent les déboires de Viv, alias "Frogmouth" et de Tonta, sa demi-sœur. Viv a déjà souvent croisé les chemins de Maggie et Ray mais Tonta, sauf oubli de ma part (oubli toujours possible tant est riche la galerie de personnages créés par Jaime), est une nouvelle venue. Nous sommes presque ici dans le domaine de la comédie. Les préoccupations de Tonta tourne essentiellement autour de son béguin pour un chanteur d'un groupe de rock local, de ses tentatives pour se faire raccompagner en voiture par le bon garçon et des soirées auxquelles elle participe. Son personnage est résolument caricatural, tant dans son caractère (tête de linotte et excitée) que dans son dessin (Jaime la dessine souvent dans un style résolument "cartoon"). On retrouve un peu le ton de la série lorsqu'elle contait les aventures de Maggie et Hopey tout juste sorties de l'adolescence, jeunes punkettes qui vivaient à fond l'instant présent, sans guère de considération ni pour la plupart des personnes qui les entouraient, ni pour leur propre futur. Ces pages légères, toujours magistralement dessinées, semblent illustrer la volonté de Jaime Hernandez de marquer une pause après l'intense tension dramatique des derniers épisodes. Il effectue ici un pas de côté, délaisse (provisoirement ?) ses personnages principaux, pour s'offrir (et nous offrir) une récréation extrêmement agréable.

Gilbert Hernandez nous épargne, pour une fois, les récits gore (violence et sexe extrêmes) dont il nous a souvent gratifiés depuis quelques années. Il nous ramène à Palomar, cité d'Amérique latine qui avait été le théâtre de ses récits pendant une dizaine d'années, avant qu'il ne fasse émigrer ses personnages aux États-Unis. Nous n'assistons cependant pas à un retour à l’identique, loin de là : les personnages ont vieilli, Pipo a maintenant des cheveux blancs et s'est offert une villa sur les hauteurs du village ; de jeunes personnages découvrent Palomar, comme Killer, petite-fille de Luba, maintenant une belle jeune fille ; Palomar est même devenu un lieu de tournage, où une équipe de cinéma vient réaliser un film qui mêle plusieurs fils narratifs des histoires de Gilbert Hernandez. Comme souvent chez les frères Hernandez, ce récit est beaucoup plus riche qu'il ne semble au premier abord. La confrontation de personnages venant de lieux et d'époques différents, le mélange au sein de ce récit fictionnel d'éléments réels (réels pour ce monde fictionnel) et imaginaires (imaginaires pour ce monde fictionnel) produisent une histoire puissante qui offre de nombreuses occasions de laisser aller son imagination se perdre dans des méandres d'un espace et d'un temps imaginaires, certes, mais si proches de nous...

lundi 24 septembre 2012

Décès de Henry Bauchau (1913-2012)

Henry Bauchau, psychanalyste, poète, dramaturge et romancier belge de langue française, est mort le 21 septembre 2012. Pas forcément très connu du grand public, il jouissait d'une grande reconnaissance d'amateurs éclairés dans le monde entier.

J'ai découvert son œuvre dans les années 1990, lorsqu'un ami m'a offert Antigone. Aborder cette histoire très riche, après les classiques antique de Sophocle et modernes de Jean Anouilh, Jean Cocteau ou Bertold Brecht, notamment, était un défi ambitieux. À mes yeux, ce défi a été relevé avec succès par Henry Bauchau. Sa relecture du mythe atteignait une beauté et une profondeur intemporelles. J'avais été particulièrement marqué par l'art avec lequel Henry Bauchau parvenait à atteindre un lyrisme et une poésie extraordinaires avec un matériel apparemment très simple, en utilisant des phrases courtes et un vocabulaire restreint.

J'ai lu ensuite avec beaucoup de plaisir d'autres œuvres de ce grand écrivain, romans ou volumes de son Journal. Je découvrais une œuvre riche et protéiforme. Les deux traits qui me marquèrent le plus furent un riche humanisme nourri de l'expérience de toute une vie, et notamment d'une pratique psychanalytique de plusieurs années, ainsi qu'une poésie sous-jacente omniprésente. Toute l'oeuvre fait preuve d'une constante attention aux plus faibles, qu'ils soient broyés par le système (Antigone), déficients psychologiquement (L'Enfant Bleu) ou âgés (Passage de la Bonne Graine). Henry Bauchau savait également déceler les expressions artistiques à l'œuvre dans les manifestations humaines les plus humbles et avait une grande foi dans le potentiel de l'art comme moyen de donner plus de sens à toute vie.

Une œuvre à découvrir et redécouvrir, déjà un classique.

mardi 18 septembre 2012

La Grande Odalisque, Alix Senator, Texas Cowboy et autres lectures de rentrée

Après un bilan de quelques-unes de mes lectures estivales dans mon message précédent, voici donc un point sur certaines bandes dessinées publiées cette rentrée...

Jusqu'à aujourd'hui, ce que j'ai lu de mieux en cette rentrée, en termes de bande dessinée, ce sont les pages du Journal Direct (2003-2004) publiées sur le site d'Ego comme X. Je sais, pour l'instant seules huit pages sont disponibles (en espérant la suite rapidement...) ; je sais, Fabrice Neaud lui-même affirme que ces pages sont beaucoup moins exigeantes que celles du Journal proprement dit. Malgré cela, ces quelques pages sont d'excellente qualité et démontrent une fois de plus l'immense talent de Fabrice Neaud.

Soyons clair : La Grande Odalisque, de Bastien Vivès, Florent Ruppert et Jérôme Mulot, est un ouvrage de pur divertissement, hommage à certains dessins animés japonais (Cat's Eye) ou au cinéma d'action. On pouvait se demander ce qu'allait donner cette coopération entre Bastien Vivès, nouvelle coqueluche des média spécialisés, dessinateur virtuose et peintre des émois post-adolescents, et le duo Ruppert & Mulot, lancés par Jean-Christophe Menu comme la relève de l'Association, adeptes d'innovations formelles originales. La Grande Odalisque parvient à conjuguer la capacité de Bastien Vivès à dessiner de charmantes jeunes filles et l'attention aux décors de Ruppert & Mulot, l'humour absurde de ceux-ci et le comique de mœurs de celui-là (notamment lorsque l'une des héroïnes se fait larguer par SMS en plein cambriolage. Cela produit un récit complètement invraisemblable aux péripéties rivalisant de rocambolesque (des vols de tableaux célèbres dans les plus grands musées parisiens à la conquête d'un cartel de drogue mexicain). Le tout est vif, assez plaisant, très léger...

Texas Cowboy, de Lewis Trondheim et Matthieu Bonhomme, permet encore une fois de mettre en valeur le grand talent de dessinateur de Matthieu Bonhomme. Celui-ci n'a pas toujours illustré des scénarios à la hauteur de ce talent (la plus notable exception étant les solides récits imaginés par Fabien Vehlmann pour la série Le Marquis d'Anaon). Le scénario de Lewis Trondheim pour Texas Cowboy, avec des personnages très typés, une accumulation étudiée de poncifs des westerns et sa construction fondée sur de nombreux retours en arrière, est très distrayant.

Les Aigles de sang, premier tome d'Alix Senator, de Valérie Mangin et Thierry Demarez, est une habile déclinaison des aventures d'Alix, personnage créé par Jacques Martin il y a près de 65 ans. Valérie Mangin nous offre un scénario astucieux mêlant d'anciens éléments de la série à des événements historiques ayant secoué le règne d'Auguste. À mon avis, le meilleur Alix depuis que Jacques Martin avait arrêté de dessiner la série (ce qui n'est pas forcément très difficile, il faut bien le dire).

Cette rentrée voit également les débuts attendus de l'Apocalypse, nouvelle structure éditoriale de Jean-Christophe Menu, après son départ de l'Association. J'ai feuilleté très rapidement le premier livre publié par ce nouvel éditeur, Susceptible, par Geneviève Castrée. Il s'agit de tranches de vie autobiographiques d'une trentenaire québécoise et cela m'a semblé pas mal du tout. J'attends les prochains livres avec impatience, tout spécialement Meta Mune comix, recueil n° 23, de Jean-Christophe Menu, annoncé en novembre 2012.

J'ai reçu hier le cinquième numéro de Love and Rockets: New Series, des frères Hernandez. je vous en parlerai sans aucun doute plus longuement dès que je l'aurai lu, ce qui ne saurait tarder. Pepito, de Luciano Bottaro, m'attend également, depuis quelques jours, sur ma table de nuit.

Enfin, dans les prochaines semaines, j'attends avec une très grande impatience Building Stories de l'immense Chris Ware (annoncé en octobre 2012), ainsi que les prochains livres d'Edmond Baudoin (dont l'un, consacré à Salvador Dali, est annoncé pour début novembre 2012).

lundi 17 septembre 2012

Barbarella, Kamui-Den, Au Travail, bilan des lectures estivales

La rentrée est déjà bien avancée mais tant pis, je ne peux résister à l'envie de partager avec vous quelques lectures estivales.

Commençons par quelques livres qui ne sont pas forcément d'actualité (à moins d'estimer que les chefs-d’œuvres sont toujours d'actualité...) : J'ai profite de l'été pour relire les trois premiers tomes de Barbarella. Je ne m'en lasse décidément pas. À chaque fois je suis stupéfait par l'art de Jean-Claude Forest, l'inventivité apparemment sans limite des péripéties (si l'imagination a été quelque part au pouvoir a la fin des années 1960, c'est bien dans l'univers de Barbarella), la poésie des textes, la liberté et la beauté des dessins... Et dire que ces chefs-d'œuvre sont épuises depuis des années en France ! (Heureusement que l'Association a au moins réédité les trois Hypocrite et Mystérieuse, matin, midi et soir, autres chefs-d'œuvre de Forest.)

Ta Mère la Pute est un poignant témoignage sur la vie dans une "cité" et, plus généralement sur l'absurdité et la fragilité de toute vie humaine

J'ai déjà écrit, longuement (ici et , voire ici pour les anglophones), le bien que je pensais de Kamui-Den. Mon enthousiasme n'a pas diminué a la lecture du quatrième et dernier tome, au bout de 6 000 pages passionnantes. Cette superbe saga s'achève dans les cris et les larmes, la révolte et le sang. Au fond, ce n'est pas très étonnant dans la mesure où l'auteur cherche avant tout a montrer l'injustice et le caractère oppressif du système social de l'époque. Je connais extrêmement peu d’œuvres (à part peut-être La Porte du Paradis, de Michael Cimino, au cinéma, ou Germinal, d'Émile Zola, en littérature) qui parviennent ainsi à critiquer un système social en mettant en scène une galerie nombreuse de personnages doués d'une personnalité a la fois individuellement et collectivement. Bref une épopée sociale absolument unique.

Au Travail, d'Olivier Josso, a bénéficie d'un excellent accueil critique. Il a été beaucoup écrit qu'il renouvelait l'autobiographie en bande dessinée. Si c'est le cas, ce n'est pas au niveau du récit ; la trame d'Au Travail est très classique : angoisses enfantines, perte d'un parent, redécouverte de souvenirs longtemps enfouis lorsqu'il faut trier l'habitation d'une grand-mère qui vient de disparaitre... L'originalité vient bien davantage de la forme. Le narrateur était, depuis ses plus jeunes, très amateur de bande dessinée. Tout le livre reprend des dessins de classiques franco-belges, Lucky Luke, Astérix et, surtout, La Mauvaise Tête, d'André Franquin, et en offre une relecture très personnelle. Le papier orange (souvenir de celui qu'Olivier Josso utilisait dans son enfance, l'omission fréquente des bordures des cases, un dessin souvent flou (comme pour faire percevoir l'effacement progressif de la mémoire), parfois a la limite de l'abstraction, contribuent également a faire d'Au Travail une œuvre autobiographique originale et attachante.

L'été est vraiment fini. Je vous retrouve donc dans quelques jours pour évoquer quelques lectures de la rentrée...

mardi 4 septembre 2012

Le retour du Journal de Fabrice Neaud : Blog en ligne "Journal direct (2003-2004)"

Depuis une bonne dizaine d'années, Fabrice Neaud avait entrepris de dessiner un « Journal direct ». Plusieurs dizaines de pages étaient prêtes. Mais il gardait tout dans ses cartons.

Et aujourd'hui, quelle heureuse surprise ! Ego comme X met enfin en ligne (après l'avoir évoqué) des extraits du Journal direct des années 2003-2004, parmi ses autres blogs dessinés (dont j'ai déjà parlé ici, ici ou ). Depuis 2002 et la publication des Riches heures, quatrième volume de son Journal, Fabrice Neaud ne livre des extraits de celui-ci qu'avec parcimonie : quelques récits de une à cinq pages dans des magazines, 12 pages dans le neaud squarzoni mussat publié pour les 10 ans d'Ego comme X, quelques courts reportages dans Beaux Arts Magazine en 2005, 20 pages dans le collectif Japon la même année, 58 nouvelles pages dans l'édition augmentée du Journal (3) en 2010... La publication de pages inédites du Journal sont donc un événement. Pour cette première livraison (il est annoncé une livraison par semaine), nous découvrons 8 pages datées de juillet 2003. Soit 7 ans après les riches heures heures, 5 ans après de le début de Émile – du printemps 1998 à aujourd'hui (histoire en cours), un an avant le passage publié dans Japon. L'histoire avec Antoine/Émile est alors en cours...

Que signifie « Journal direct » pour Fabrice Neaud ? 40 pages d'une « Première tentative de journal direct » avaient été publiées dans le cinquième numéro de la revue Ego comme X en 1997. Alors que les quatre volumes du Journal ont été dessinées des années après les faits, ce qui a souvent permis de créer un découpage de la vie du narrateur en épisodes relativement délimités, avec des « péripéties » et un rythme très savamment dosés, le « Journal direct » est, d'après ce que j'ai compris, dessiné au plus près des faits racontés. L'auteur est donc immergé dans son récit et n'est pas en mesure de prévoir les événements futurs de la vie du narrateur. Il n'est pas question cependant pour Fabrice Neaud de livrer des pages insuffisamment travaillées. Pas de pages griffonnées à la va-vite dans un carnet ici...

Qu'avons-nous, plus précisément, dans ces huit premières pages ? Du très bon, comme il fallait s'y attendre avec Fabrice Neaud. De beaux dessins, navigant entre réalisme et caricature, le récit de virées diurnes ou nocturnes, quelques réflexions sur la littérature (Léon Bloy) et la société contemporaine, un superbe portrait d'Antoine... J'attends la suite avec beaucoup d'impatience !