mercredi 1 octobre 2014

Elle, de Francis Masse (2014)

Affirmer que j'ai été entièrement convaincu par le dernier livre de Francis Masse, Elle, ne serait pas tout à fait exact. Mais il est tout à fait possible que ce soit dû à moi plutôt qu'à lui.

Elle est un livre particulièrement étrange (mais n'est-ce pas la norme avec les ouvrages de Francis Masse ?). Un prologue non dessiné donne le contexte en deux pages : un individu est accusé du meurtre d'une femme, "Elle". Il a été arrêté et est maintenant en prison. Fou amoureux d' "Elle", il l'attend.

Lorsque l'on découvre les pages de bande dessinée qui suivent, on s'aperçoit que les choses sont encore moins simples qu'il ne semble. L'album se compose de courtes saynètes en une page. Elles mettent en scène un homme dans une prison représentée par un simple fauteuil. Il discute tout seul ou avec son gardien, qu'il appelle "chef" et dont on ne voit que les yeux à travers une ouverture dans le fauteuil... Le langage utilisé est réduit à sa plus simple expression. Le vocabulaire est limité à un nombre de mots limités (elle, café, cigarette, sucre, etc.) ; les pronoms personnels et adjectifs possessifs sont réduits à "elle", "me" et "te" (voire "nous" pour agréger "me" et "elle", dans les grands moments d'optimisme). La prison se transforme en océan, en voir ferrée ou en volcan. Nous sommes dans le domaine de l'absurde. Ce n'est pas inhabituel chez Masse. Mais là où il nous avait habitué à une grande luxuriance (décors surchargés, textes très longs et élaborés, jusqu'au cas limite atteint dans On m'appelle l'avalanche), il nous livre ici un récit au minimalisme radical : simplicité des situations, du trait, du décor, du texte, du vocabulaire... L'expérience stylistique la plus proche que je puisse rapprocher de ce minimalisme expressif serait à chercher du côté du Nouveau Roman et de certaines œuvres de Marguerite Duras (voire de Nathalie Sarraute), notamment lorsque ses personnages étaient réduits à "elle" et "lui" et son vocabulaire simplifié à l'extrême.

L'humour est moins marquant qu'il a pu l'être dans le passé chez Masse. Mais ce n'est pas ici le plus important. Tout en restant dans le domaine de l'absurde, Masse introduit une dimension sentimentale beaucoup plus marquée que dans ses œuvres antérieures. Surtout, après 40 ans de carrière, il se renouvelle encore une fois significativement au point de vue formel, et nous livre un album qui ne ressemble véritablement à rien d'autre.

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